L'Uncreative Writing, l'art contemporain nouvelle source d'inspiration pour la littérature?

Publié le par Fabrice D

Photo de Kenneth Goldsmith

Photo de Kenneth Goldsmith

« La peinture a cinquante ans d’avance sur la littérature »

Le poète Brion Gysin en 1951

Les pays anglo-saxons industrialisent des cours d’écriture dans leurs universités.  Ces cours intitulés « creative writing »  (très onéreux et orchestrés par des auteurs à succès), donnent des techniques et des moules pour écrire des romans conformes à ce qu’en attendent le public et Hollywood. Ceci uniformise la littérature et les romans en clonant les écrivains

Kenneth Goldsmith par réaction a donc intitulé ses propres cours  d’« uncreative writing ». Ses étudiants y recopient à la virgule près Kerouac. Ils retranscrivent aussi en scripts et scénarios des vidéos les moins littéraires possibles (débat sur le budget de l’état, film X,…). Ce n’est pas juste de la provocation gratuite. Il y a une véritable réflexion derrière cette démarche. L’ «uncreative writing» est aussi un mouvement littéraire.

Certes, Kenneth Goldsmith connait très bien tous les mouvements de poésie d’avant-garde ainsi que la littérature expérimentale du XXème siècle qu’il prolonge donc naturellement. (Il a d’ailleurs fait un énorme travail d’archivage avec son site UbuWeb).

 

Mais ce poète et théoricien vient surtout du monde des Arts Plastiques. (Il a reçu une formation initiale de sculpteur).  Il veut surtout importer les modèles de création de ce milieu à la littérature.

L’invention de la photographie, a entrainé une véritable révolution en peinture (elle s’est adaptée avec d’abord l’impressionnisme puis l’abstraction). De façon similaire, pour Kenneth Goldsmith, l’invention d’internet et le numérique va donc complétement bouleverser la littérature.  En effet, elle restait, le seul art, qui n’a pas, étrangement, été trop secoué par le XXème.  Pour lui, les grandes révolutions des arts visuels et musicaux doivent donc absolument inspirer et éclairer l’écrivain de demain.
Alors, En poésie à quand son Marcel Duchamp et son Ready-made?

Voici quelques pistes explorées par ce mouvement littéraire

Dans les musées, les peintres débutants recopient les grands maîtres. Alors pourquoi,  le jeune écrivain doit-il écrire un nouveau texte à la manière de Kerouac et non simplement le recopier tel quel ? La recopie comme (re)lecture approfondie.

Les musiciens pratiquent le sample. Les DJ ne font même que ré-agréger des sons déjà existants.  Des écrivains de ce mouvement, assemblent donc, des mots, des phrases, des textes, … tirés du web (ils n’en sont pas les auteurs) en des poèmes originaux et cohérents. Kenneth Goldsmith revendique même ce droit, pour l’auteur de plagier et de jouer du copier-coller. Pourquoi alors ne pas voir l’écrivain comme un simple récupérateur de langage, un DJ du texte ou un programmeur ?
D’où la formule:

« Il faut plagier les plagiaires ! »

Kenneth Goldsmith

Comme pour l’art conceptuel, dans ce mouvement littéraire,  la conversation, les idées, les processus autour de l’écriture sont parfois plus intéressants que les textes eux même. (Certains s’avèrent même volontairement comme complétement illisibles).

Voici d’autres artistes majeurs cités comme exemple  par Kenneth Goldsmith :
Sol Le Witt, faisait réaliser ses œuvres par d’autres. Il donnait  juste un vague protocole écrit de fabrication.
John Cage a introduit l’aléatoire dans la composition de musique….

Conclusion:
Avec internet, la littérature connaitra-t-elle enfin sa grande révolution ?
Certains en  doutent. (En effet nous restons  conservateurs vis à vis du langage. En poésie contrairement aux autres arts, l’avant-garde n’est que rarement vraiment récompensée et suivie).
Par contre, le web influence déjà nos habitudes littéraires.
En effet grâce à internet, nous écrivons et lisons plus qu’il y a vingt ans.
Les réseaux sociaux et leurs contraintes oulipiennes (500 mots) redynamisent les aphorismes.
L’électricité a engendré le futuriste.  Internet créera donc, elle aussi,  ses propres mouvements artistiques.

Nous étudierons dans un prochain article, comment comment internet d'après Kenneth Goldsmith, bouleverse complétement la littérature et les notions même de texte et d'auteur ...

Pour en savoir plus:
L'essai
"L'écriture sans écriture" (une traduction d' "uncreative writing")
Écrit par Kenneth Goldsmith et traduit par François Bon
Aux éditions Jean Boite
 

Publié dans Monde de la Poésie

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P
Tres surprenant tres instructif. Les poetes en Berry sont à la pointe.
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